Pour Sandrine Rospabé, la recherche en économie sociale et solidaire (ESS) et son enseignement sont liés depuis longtemps. Dès son arrivée à Rennes en 2004, elle s’intéresse à l’ESS pour assurer ses cours à l’Institut universitaire de Technologie (IUT), département Carrières Sociales, où le programme aborde à la fois économie capitaliste, économie publique et économie sociale et solidaire. Les étudiants, destinés à travailler dans des structures d'animation socioculturelle, se retrouveront la plupart en association, c’est-à-dire des structures de l’ESS.
« Parce que j’ai travaillé pédagogiquement sur le sujet, je me suis mise à faire de la recherche sur cette économie. Pendant mes études, puis mon doctorat en économie, on n’entendait pas parler d’ESS ! »
Un ouvrage universitaire publié fin 2017
Très vite, l'enseignante-chercheuse perçoit l’intérêt de développer la connaissance de l’ESS dans le milieu de l’animation socioculturelle. Dans ses cours en DUT Carrières Sociales, les étudiants s’entraînent à l’animation via des sujets en ESS : le commerce équitable, les monnaies locales, les circuits courts… Ils vont jusqu’à créer des jeux pédagogiques sur l’ESS comme supports d’animation.
Sandrine Rospabé entame alors des recherches, basées en partie sur ses expériences pédagogiques et sur l’éducation à l’ESS. Elle s'interroge sur la manière d'accompagner une compréhension critique des enjeux économiques actuels pour la construction d’une économie plus humaine, basée sur d’autres valeurs que la recherche du profit, sur un autre modèle de gouvernance des entreprises, sur d’autres modes de production, d’échanges, de consommation, d’épargne...
Fin 2017, elle a ainsi publié, avec deux autres universitaires de Guéret et de Bordeaux, le livre Animation et économie sociale et solidaire qui traite des liens entre l’ESS et l’éducation populaire.
L'éducation populaire peut être définie de nombreuses manières, de la plus vaste qui considère toute forme d’éducation hors du milieu académique, à une définition de l’éducation populaire politique, selon la définition de la chercheuse Alexia Morvan : « Tout type d’éducation visant l’émancipation de groupes dominés, par des pédagogies critiques, leur participation à la vie publique et la visée de transformation radicale de l’ordre social », et sur laquelle Sandrine Rospabé base ses travaux.
ESS et éducation populaire, des liens historiques
Les recherches de Sandrine Rospabé l'amènent alors à approfondir les relations entre éducation populaire et ESS.
Le lien est d'abord historique : aux XVIIIe et XIXe siècles, les structures ouvrières qui se créaient, par exemple les coopératives de consommation et de production, intégraient souvent un volet éducation. Réciproquement, les premières structures s’apparentant à l’éducation populaire (comme les universités populaires) étaient souvent adossées à une mutuelle ou autre structure de défense des droits économiques de leurs membres.
C’est à partir du XXe siècle que les deux activités se sont dissociées, avec notamment une institutionnalisation de l’éducation populaire, par exemple à travers la création de structures de loisirs.
Aujourd'hui, l’éducation populaire se joue souvent dans des structures de l’ESS, telles les associations ou les SCOPs (Sociétés coopératives et participatives).
Sandrine Rospabé participe actuellement à un projet de recherche, en partenariat avec le Collège Coopérative en Bretagne, sur des coopératives innovantes, coopératives jeunesse de service et coopératives d’habitants, structures de l’ESS qui intègrent les méthodes et valeurs de l’éducation populaire.
Le diplôme universitaire
La progression dans ces recherches comme dans son enseignement a conduit Sandrine Rospabé, à travailler avec des collègues de l'IUT de Rennes et des structures locales de l’éducation populaire (Anime et Tisse, Kerfad, Luciole...) pour créer en 2015 le diplôme universitaire (DU) « Éducation populaire et transformation sociale » dont elle est aujourd’hui co-responsable avec Guillaume Sabin, maître de conférences en sociologie de l’éducation.
« Nous trouvions intéressant d’avoir un diplôme universitaire qui se penche sur l'éducation populaire et sur ses liens avec les pédagogies émancipatrices, les droits humains, l'économie... car il n’existe pas de formation universitaire sur ces champs-là. Le DU correspond aussi aux besoins de formation qu’on identifiait chez les acteurs de la transformation sociale, besoin confirmé au cours de l’étude de faisabilité réalisée en amont de la création de cette formation", souligne Sandrine Rospabé.
La première promotion en 2015 a accueilli quinze salariés de l’éducation (formelle et populaire), du social, du culturel, de l’environnement. Depuis, une quinzaine d’étudiants se succèdent chaque année ; la promotion 2018 a fait sa rentrée en janvier.
L’équipe de coordination du DU, équipe mixte composée d’universitaires et de praticiens de l’éducation populaire, réfléchit actuellement à la publication d’un ouvrage, afin de valoriser les spécificités pédagogiques à l’œuvre dans ce diplôme.
Article et visuels réalisés avec la contribution d'Alice Vettoretti (Plume & Sciences)