Les experts
Matthieu Revest et Vincent Thibault sont tous deux professeurs à la faculté de médecine de l'Université de Rennes 1.
Matthieu Revest est infectiologue, responsable médical pour les maladies infectieuses émergentes dans le service de maladies infectieuses et réanimation médicale du CHU de Rennes. Il est membre du Haut conseil de la santé publique.
Vincent Thibault est virologue, chef du laboratoire de virologie du CHU de Rennes.
L'interview
Cette interview a été réalisée le 9 juillet 2021 au Pôle de formation des professionnels de santé du CHU de Rennes, le vendredi précédant l'allocution du président Emmanuel Macron lundi 12 juillet 2021.
L'entretien, disponible en intégralité, fait le bilan d'un an de lutte contre l'épidémie à l'hôpital et répond aux interrogations du moment, telles que recueillies auprès des personnels et des étudiants de l'Université de Rennes 1 :
- la vaccination de la population
- les conditions de fin des restrictions ;
- la question de l'obligation et de l'hésitation vaccinale ;
- la vaccination des enfants de 12 à 18 ans et plus jeunes ;
- l'hypothèse d'effets secondaires à long terme de la vaccination ;
- la 4e vague due au variant delta et ce qui pourrait suivre... pour peu que l'on puisse se risquer à des prédictions.
Points essentiels à retenir : index vidéo
Les liens ci-dessous permettent d'accéder aux propos correspondants tenus dans l'entretien vidéo.
Si possible, le visionnage de l'interview en intégralité (1h15) reste à privilégier à la lecture de ce résumé.
En effet, pour faciliter sa lisibilité, cette indexation ne reprend que très partiellement les argumentaires et ne couvre pas :
- la discussion des liens d'intérêt ;
- le bilan de l'année écoulée, très éprouvante ;
- certains points liés à l'hésitation vaccinale, en particulier la perception de la technique de l'ARN messager (expliquée par le Pr V. Thibault dans cette autre vidéo de fév. 2021) ;
La vaccination en population générale
- Aujourd'hui, aucun traitement de la maladie ne fonctionne en médecine de ville, ou seulement dans des circonstances et des cas très particuliers à l'hôpital ;
- L'histoire du développement des traitem ents antiviraux ne permet pas d'envisager cette piste comme prometteuse ;
- Sauf évolution du virus qui lui permettrait d'échapper à l'immunité vaccinale, les vaccins sont le seul moyen de pouvoir lever les restrictions qui pèsent sur les populations ;
- L'efficacité des vaccins actuels, même limitée par l'apparition de variants s'éloignant de la souche qui a servi de base à leur développement, reste remarquable : au-delà des premières études produites par les laboratoires, on dispose aujourd'hui d'observations en population réelle (en Israël, en Écosse) qui le confirment ;
- L'épidémie ne sera pas contrôlée tant que la population mondiale ne sera pas immunisée contre le virus ;
- Les vaccins anti-COVID sont les médicaments les plus attentivement suivis de l'histoire de la médecine, 5 milliards de doses ayant été administrées fin août 2021. Il n'a pas été relevé à ce jour de signal d'alerte justifiant une suspension des vaccinations ;
- Les vaccins sont le groupe de médicaments qui a le plus sauvé de personnes dans l'histoire de l'humanité.
La vaccination des enfants et l'hypothèse des effets secondaires à long terme
- La vaccination des enfants de 12 ans et plus a un bénéfice majeur pour eux-même au-delà du bénéfice collectif : celui de garantir leur éducation en maintenant les classes ouvertes ;
- Des effets secondaires vaccinaux à long terme ne peuvent être exclus, mais sont extrêmement peu probables n'ayant jamais été observés jusqu'ici sur les vaccins précédents (le lien entre vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques a été invalidé par les études de pharmacovigilance) ;
- Il existe aussi un risque, beaucoup moins connu de la population et extrêmement faible, de troubles immunitaires liés aux infections virales auxquelles nous sommes naturellement soumis lors de notre vie. On pense aujourd'hui qu'une grippe, dans des cas très rares, peut déclencher un diabète, une sclérose en plaques... suite à un mauvais fonctionnement de la réponse immunitaire naturelle. On voit bien que ces cas sont l'absolue exception, fort heureusement. La vaccination, qui repose elle aussi sur une réaction immunitaire, est ainsi associée au même niveau de risque extrêmement faible.
- La vaccination des enfants de moins de 12 ans pose des difficultés éthiques, si les autres tranches d'âge sont vaccinées et n'est alors pas nécessaire ; elle pourrait même être délétère en bloquant les rappels naturels infectieux des adultes (les enfants de moins de 12 ans non vaccinés s'infectant régulièrement et sans gravité, stimulent le système immunitaire de leur entourage protégé par le vaccin, entretenant ainsi la résistance au virus) ;
- Au-delà de 18 ans, un COVID long peut survenir et l'impact sur la qualité de vie peut alors être réellement handicapant.
Connaissances sur le virus et avenir
- Il n'est pas possible de trancher aujourd'hui la question de l'origine du virus. Une intervention humaine est possible, mais la Nature n'a pas besoin de cela pour produire des virus tels que le SARS-CoV-2, dont la transmission à notre espèce est facilitée par les interventions humaines sur les milieux naturels, engageant notre responsabilité collective :
- La quatrième vague du virus, due au variant delta, est déjà en cours en France ; son impact sur le système de soins dépendra de la couverture vaccinale de la population ;
- Quelle sera l'évolution de la pandémie ? Il faut rester humble, tous les scénarios sont ouverts ;
- Comme pour les épidémies précédentes, avec la vaccination un ajustement entre la circulation du virus et sa tolérance par la population humaine devrait se dessiner, mais il est impossible de donner une échéance à ce stade ;
- Il est possible, une fois la population générale suffisamment immunisée, que le SARS-CoV-2 devienne un virus lié aux saisons hivernales ; cette hypothèse est faite en toute réserve.
Références
En français
- Avis du Comité consultatif national d'éthique relatif à la vaccination contre la COVID-19 des enfants et des adolescents
- Liens d'intérêt : base de données eurosfordocs, qui vise à permettre un accès plus lisible à la base gouvernementale Transparence-Santé.
NB. Cette base peut lister des rémunérations attribuées nominativement au praticien, alors qu'elles sont en réalité versées directement à l'établissement où il exerce, sans contrepartie pour le professionnel lui-même. - CovidTracker : statistiques et visualisations de données COVID-19
- Le point sur une polémique : vaccination contre l'hépatite B et sclérose en plaques (source : professionnels.vaccination-info-service, site publié sous l'égide de Santé publique France)
- Interview du Pr Vincent Thibault (5 fév. 2021) dédiée aux variants et aux techniques de vaccination anti-COVID, dont celle de l'ARN messager.
- Premier entretien croisé avec les Pr Revest et Thibault, le 17 juillet 2020.
En anglais
- Cartographie mondiale en temps réel de la pandémie (infections, décès, doses vaccinales administrées)
- Impact and effectiveness of mRNA BNT162b2 vaccine against SARS-CoV-2 infections and COVID-19 cases, hospitalisations, and deaths following a nationwide vaccination campaign in Israel: an observational study using national surveillance data.
E.J. Haas, F.J. Angulo et al. The Lancet, published: May 5, 2021 - Doi: 10.1016/S0140-6736(21)00947-8 - Association Between Vaccination With BNT162b2 and Incidence of Symptomatic and Asymptomatic SARS-CoV-2 Infections Among Health CareWorkers
Y. Angel, A. Spitzer et al. JAMA, May 6, 2021. Doi: 10.1001/jama.2021.7152 - SARS-CoV-2 Delta VOC in Scotland: demographics, risk of hospital admission, and vaccine effectiveness
Aziz Sheikh, Jim McMenamin, Bob Taylor, Chris Robertson, on behalf of Public Health Scotland and the EAVE II Collaborators
The Lancet, published: June 14, 2021 - Doi: 10.1016/S0140-6736(21)01358-1