- Intérêt des molécules-aimants
- Dysprosium et fluor
- Une molécule bien étudiée
- Des molécules-aimants contrôlées par la lumière
- Référence
Intérêt des molécules-aimants
Dans un aimant classique, l’aimantation est une propriété d’ensemble, qui résulte de l’interaction des centres magnétiques avec leurs voisins. À l’inverse, les molécules-aimants ont la capacité de garder un sens d’aimantation, indépendamment de celle de leur voisine au sein d’un même matériau. À très long terme, on peut imaginer utiliser ces propriétés pour du stockage d’informations à une échelle très réduite. Mais avant d’en arriver là, d’importantes recherches sont encore nécessaires. En effet, les molécules-aimants ont des propriétés contraignantes : pour la plupart, leur aimantation ne peut pas être conservée au-dessus de -270°C ! De nombreux chercheurs dans le monde travaillent donc à mettre au point des molécules pouvant garder leur aimantation à des températures plus élevées.
Dysprosium et fluor
À Rennes, la chimiste Lucie Norel s’est attaquée à ce problème. Elle a mis au point une molécule dont l’aimantation reste stable à -265°C.
« Ce n’est pas un record, d’autres molécules ont de meilleures performances, mais notre système est beaucoup plus résistant aux conditions ambiantes », souligne la chercheuse.
Elle est ainsi facilement manipulable, un avantage indéniable par rapport aux autres systèmes, qui doivent être protégés de l’air. La molécule créée par Lucie Norel se compose d’un atome de dysprosium, un métal de la famille des lanthanides (que l’on trouve tout en bas du tableau de classification périodique des éléments), et d’un atome de fluor. Ce duo est à l’origine de la propriété de molécule-aimant et est stabilisé par une cage organique à base d’azote et de carbone, qui empêche les réactions chimiques de dégradation de la molécule. Pour mettre au point cette molécule, Lucie Norel a travaillé pendant un an à l’Université de Californie à Berkeley, dans l’équipe du professeur Jeffrey R. Long.

Une molécule bien étudiée
La chimiste rennaise s’est employée à étudier les caractéristiques de la molécule ainsi créée. En l’éclairant avec des UV, à très basse température, elle a pu mesurer la lumière réémise par la molécule-aimant.
« Cette méthode, la photoluminescence, permet de mesurer l’énergie nécessaire pour renverser l’aimantation de la molécule, elle nous donne une idée de la température à laquelle l’information magnétique reste stable », explique Lucie Norel.
Ces travaux ont été complétés par des calculs de chimie quantique, en collaboration avec Boris Le Guennic, chercheur à l’ISCR également. Ces calculs ont permis de décrire les niveaux d’énergie de la molécule-aimant, ceux-là même qui sont observés en photoluminescence et responsables de la propriété magnétique.
Des molécules-aimants contrôlées par la lumière
Les travaux de Lucie Norel s’intègrent plus largement dans le projet Photo-SMM, financé par la Commission européenne, sous la responsabilité de Stéphane Rigaut, professeur de l’Université de Rennes 1. Ce projet vise à développer des molécules-aimants dont le magnétisme pourrait être contrôlé via une source de lumière. Les photochromes

, molécules dont la couleur et la structure sont modifiées par la lumière, sont en effet une spécialité du laboratoire rennais. L’objectif de Lucie Norel est maintenant de doter sa molécule-aimant des mêmes propriétés, pour la contrôler à l’aide de la lumière.
Référence
A Terminal Fluoride Ligand Generates Axial Magnetic Anisotropy in Dysprosium Complexes
Norel L, Darago LE, Le Guennic B, Chakarawet K, Gonzalez MI, Olshansky JH, Rigaut S, Long JR
Angew Chem Int Ed. Engl. 2018 Feb 12;57(7):19331938. doi: 10.1002/anie.201712139. Epub 2018 Jan 16.
Le projet européen PhotoSMM.
Article et visuels réalisés avec la contribution d'Alice Vettoretti (Plume & Sciences)